Entre 2011 et 2013, la révolution syrienne ne s’est pas encore muée en une immense catastrophe humaine et un imbroglio géopolitique inextricable.
Dans ce triptyque composé par Leyla-Claire Rabih à partir de textes de Mohammad Al Attar, un groupe de jeunes gens épris de liberté affronte pacifiquement la dictature.
Au printemps 2011, les premières manifestations pour la démocratie s’organisent ici et là en Syrie. Ces rassemblements sont sévèrement réprimés, mais suscitent dans le monde le formidable espoir que le peuple syrien puisse enfin s’émanciper de la dictature. Leyla-Claire Rabih est à Paris, elle suit les nouvelles en permanence et en perd le sommeil. Peu à peu, s’impose le besoin de concevoir un travail dramatique autour des premiers temps de cette révolution aujourd’hui « orpheline » et abandonnée par ses premiers soutiens.
La metteure en scène compose un triptyque à partir de textes de Mohammad Al Attar et elle choisit d’être présente sur scène à la fois en tant traductrice, narratrice et témoin. Les jeunes protagonistes, de classe moyenne et plutôt laïcs, brassent dans leurs moindres nuances, au quotidien, les enjeux d’une situation de crise où palpite un existentialisme universel.
Un échange de mails raconte l’enthousiasme du début du soulèvement.
Damas, printemps 2011, un jeune manifestant raconte par mail à son amie, étudiante à Paris, la mobilisation de la jeunesse et les manifestations du printemps 2011. Face aux arrestations des amis communs, quelles sont les stratégies pour se mettre à l’abri, ne pas se démobiliser et déjouer la peur ? Soudain, la communication est interrompue. La jeune fille apprend que son ami aussi s’est fait arrêté.
Un théâtre intimiste décrit les bouleversements individuels.
Damas, automne 2011. Le soulèvement syrien se heurte à une répression brutale.
À défaut de pouvoir s’engager directement, Noura, jeune femme issue d’une famille privilégiée, entreprend de collecter des témoignages de manifestants arrêtés par le régime de Bachar El Assad et enregistre le récit de leur détention. Elle voudrait que cette démarche documentaire soit sa contribution à la révolution en cours : il faut que les gens « sachent ». Mais que veut dire « documenter » dans une telle situation ?
Les interviews et les récits personnels qu’elle récolte lui demandent un engagement plus important que celui qu’elle avait imaginé. À travers le prisme de la caméra, la frontière entre le témoignage et le récit se brouille. Ce texte se penche sur une démarche documentaire, mais son intérêt dépasse de loin l’aspect documentaire. Dans son envie de témoigner, Noura est confrontée à une dissymétrie d’expérience : elle ne peut que transmettre ce que d’autres ont vécu. Au fil des entretiens, les exdétenus déplient leur besoin de témoigner en même temps qu’ils interrogent le bénéfice qu’ils tirent de ces récits, parfois douloureux.
La force cathartique du théâtre fait ici levier et donne à ce texte une dimension particulière : le récit, la mise en doute des propos, la répétition et la réinvention du récit sont autant de moyens qui permettent de mettre à distance l’expérience traumatique. Le théâtre est ici espace de liberté mais aussi de libération.
Un road-movie à travers un pays en pleine désagrégation.
Syrie, août 2013. Youssef un activiste syrien se rend clandestinement dans l’Est de la Syrie, sous contrôle islamiste pour aider les populations civiles. Par mail, il annonce à ses amis son retour à Beyrouth, avant de disparaître. Quelques jours après, son ami Farès entre en Syrie via la frontière turque et part à sa recherche.
Après six ans d’exil, il découvre à la fois un pays dévasté par la guerre et un tissu social en décomposition. Il prend la mesure des ravages de la guerre civile, des destructions humaines et urbaines. Les divers courants révolutionnaires qu’il rencontre n’ont ni les mêmes buts, ni les mêmes moyens.
Qui détient la légitimité de la révolution ? Qui représente le peuple ? Que construire après ? Les débats font rage, comme les combats, mais constituent sans aucun doute les fondements d’une réflexion démocratique.
Chroniques d’une révolution orpheline
Mise en scène : Leyla-Claire Rabih
D’après les textes de : Mohammad Al Attar
Traduction : Jumana Al-Yasiri et Leyla-Claire Rabih
Avec
Soleïma Arabi, Wissam Arbache, Leyla-Claire Rabih, Grégoire Tachnakian, Elie Youssef (en cours)
Scénographie : Jean-Christophe Lanquetin
Collaboration artistique : Catherine Boskowitz
Conseil artistique : Jumana Al-Yasiri
Assistanat à la mise en scène : Philippe Journo
Création sonore : Anouschka Trocker
Assistanat à la scénographie : Maxime Chudeau
Régie générale : Anthony Dascola
Spectacle créé le 17 mars 2017
au Théâtre-cinéma Paul Eluard de Choisy-le-Roi
Production : Grenier Neuf 2017
Coproduction : Théâtre Dijon Bourgogne, MC93 — Maison de la
Culture de Seine-Saint-Denis, Théâtre Paul Éluard de Choisy-le-Roi, scène conventionnée pour la diversité linguistique
]Février 2018
Maison de la culture de Seine Saint-Denis (MC 93)
9, boulevard Lénine
93000 Bobigny
Tournée en cours de programmation :
Festival Terre de Parole à Rouen
les 16 et 17 avril 2018
Théâtre du Maillon à Strasbourg
avril 2019